La Lettre M

L'Aude dévastée

Les faits: 

Avec 39 % de la population et 51 % des emplois en zone potentiellement inondable, l’Aude vit avec les inondations. Le bilan des intempéries qui ont frappé le département dans la nuit du 14 au 15 octobre (14 morts) vient rappeler les dramatiques inondations des 12 et 13 novembre 1999 : 25 morts et 610 M€ de dégâts. Un gros effort financier a, depuis, été mené par plusieurs financeurs (Région Occitanie, Europe, État, Département, agglomérations concernées). Mais la réalisation des travaux est souvent entravée par le poids des normes et des règlements. 

 

L'analyse: 

Lors du premier programme d’actions de prévention des inondations (PAPI), 81 M€ ont été injectés sur la période 2006-2014, dont les digues de Cuxac-d’Aude (25 M€). Un syndicat mixte (Smmar, syndicat mixte des milieux aquatiques et des rivières) a été créé. Le second PAPI, signé en octobre 2015, prévoit 49 M€ d’investissements (travaux en cours) : 29,2 M€ pour les actions de prévention des inondations et de 20 M€ pour les programmes pluriannuels de gestion des bassins versants. Des travaux très divers : construction de digues, recalibrage des cours d’eau, bassins de rétention, suppression de certains piliers de ponts pour fluidifier le débit… La récente livraison de la digue de Sallèles-d'Aude (réalisée dans le cadre du PAPI 2), en début d'année, « sert aujourd'hui, car la Cesse a été en crue », indique la Région Occitanie. La Dreal Occitanie indique que les études et travaux, pour ce PAPI 2, portent « sur les systèmes d'endiguement de la basse plaine de l'Aude ».
Narbonne sera au cœur du PAPI 2022-2028 : « De gros travaux sont en cours d'étude. Plusieurs milliers de personnes sont potentiellement menacées en cas de crue du Rec de Veyret », indique la Région Occitanie. Ce prochain PAPI (2021-2027) pèsera « plusieurs dizaines de millions d'euros » et donnera lieu à de gros chantiers. Entre autres, à Narbonne, donc (barrages écrêteurs de crues en amont, sécurisation des digues dans la traversée de Narbonne), Coursan (ouverture d'un bras de dérivation pour faire baisser le niveau d'eau dans la traversée de Coursan) et Laure-Minervois (sécurisation d'un barrage et création d'un autre barrage sur un affluent). « Les travaux préparatoires du PAPI 2021-2027 tiendront compte du retour d'expérience des événements du 15 octobre pour améliorer encore les dispositifs de prévention du risque inondation », renchérit Didier Kruger, directeur de la Dreal Occitanie.
Alain Péréa, par ailleurs député LREM de l’Aude et membre de la commission mixte des inondations au niveau national, s’agace cependant de la difficulté à mener certains travaux. « Aujourdhui, il y a des inondations meurtrières, alors, toute la France en parle. Mais en temps normal, pour réaliser la moindre digue, il faut trois ans d’études ! Les lois liées à l’environnement restent extrêmement compliquées. De fait, dans l’Aude, sur le PAPI 2, tous les crédits sont loin d’avoir été consommés. » Une source à la Région Occitanie renchérit : « Investigations géotechniques, mobilisation des financements, appels d'offres aux entreprises, des travaux très encadrés par l'Etat (de telle date à telle date, interdiction de procéder à des travaux pour ne pas déranger telle ou telle espèce...)... Il s'écoule souvent plusieurs années entre le moment où une collectivité décide et où les travaux démarrent. » La Dreal joue un rôle d'interface (cf. entretien avec Didier Kruger, ci-contre). 
Côté équipements et infrastructures, les dégâts sont conséquents. Plusieurs 10 M€ a priori (en cours d'estimation par la fédération des assurances). Des dizaines d'hectares de terres agricoles et viticoles ont été submergés. Des pans entiers de routes ont parfois été arrachés. Les circulations ferroviaires sont perturbées entre Narbonne et Carcassonne. La SNCF fait état de « ballast emporté » et de culées d'un pont « fortement endommagées, nécessitant une expertise », dans le secteur de Trèbes. L'hôpital de Carcassonne, tout juste livré mais construit en zone inondable, a été touché, avec une défaillance des locaux techniques et des ascenseurs mise hors service, « ce qui pose, dans un hôpital, d'énormes problèmes », rappelle Agnès Buzyn, ministre de la Santé.

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