Défis et opportunités de la coopétition dans l’industrie aérospatiale européenne
Le succès d’Airbus, né de la fusion de plusieurs constructeurs aéronautiques européens concurrents, reste l’exemple phare de la puissance de la coopération européenne. Aujourd’hui, Airbus rivalise avec Boeing sur le marché mondial des avions commerciaux, démontrant comment la coopétition à l’échelle européenne peut créer des champions industriels globaux. Une tribune d’Audrey Rouyre, enseignante-chercheuse en management et stratégie à MBS School of Business.
Avec la coopétition – contraction entre compétition et coopération – les entreprises ont l’intention de coopérer pour créer une valeur commune et de se faire concurrence pour s’approprier la majeure partie de la valeur créée. La coopétition se distingue des alliances entre non-concurrents parce qu’elle cherche à tirer parti de la concurrence et de la coopération en les combinant pour obtenir un avantage concurrentiel.
La coopétition est devenue une stratégie incontournable dans l’industrie aérospatiale européenne. Ce secteur hautement technologique et concurrentiel fait face à des défis majeurs tout en bénéficiant d’opportunités significatives grâce à cette approche. L’un des principaux défis réside dans le dilemme du partage et de la protection des ressources et connaissances. Les entreprises doivent collaborer pour développer de nouvelles technologies tout en protégeant leur cœur de compétences. En effet, étant des concurrents sur le marché, les connaissances acquises peuvent être utilisées sur leur propre marché afin de renforcer un avantage concurrentiel et une position sur le marché. Par exemple, Airbus et Dassault Aviation collaborent sur le projet FCAS (Système de combat aérien du futur) tout en restant concurrents sur d’autres marchés. Ils doivent partager leurs connaissances en matière de furtivité et d’intelligence artificielle pour le FCAS, tout en gardant secrètes leurs innovations propres pour leurs autres programmes d’avions de combat.
Meilleure utilisation des ressources. Cependant, grâce au partage des ressources et connaissances, la coopétition permet une utilisation plus efficiente des ressources financières et humaines. Les coûts de R&D sont partagés, réduisant les risques financiers pour chaque entreprise tout en maximisant les retombées potentielles. Par exemple, Galileo – un satellite de positionnement par satellites – représente un budget total de 13 Md€. Au vu des sommes investies, les entreprises n’ont le choix que de collaborer avec d’autres entreprises. La question devient : pourquoi avec des concurrents ? Ces derniers disposent de ressources complémentaires et compatibles, ce qui favorise la coopération.
La mise en commun des ressources et des expertises permet une accélération significative de l’innovation. Les projets comme Galileo démontrent la capacité de l’Europe à développer des technologies de pointe grâce à la coopétition. Ou encore le programme Copernicus de l’Union Européenne, impliquant des entreprises comme Airbus Defence and Space et Thales Alenia Space, a permis le développement rapide de technologies d’observation de la Terre. La collaboration a accéléré l’innovation dans les domaines des capteurs satellitaires et du traitement des données environnementales.