Alliances public-privé : entre coopération et concurrence
Les partenariats public-privé (PPP), soutenus par des dispositifs de financement ambitieux comme Horizon Europe – qui mobilisera environ 95,5 Md€ pour la recherche et l’innovation dans l’UE jusqu’en 2027 – jouent un rôle clé dans la stimulation de l’innovation. Le point avec Audrey Rouyre, enseignante-chercheuse en management et stratégie à MBS School of Business.
Le succès des projets public-privé repose sur une coopération étroite entre les secteurs public et privé, alliant expertise technologique et ressources financières. Ce pendant, les objectifs de ces deux acteurs diffèrent : les acteurs publics cherchent à créer de la valeur sociale pour les citoyens tandis que les entreprises privées visent à renforcer leur compétitivité. Un exemple de cet équilibre se retrouve dans l’initiative de la French Tech Montpellier. Ce réseau soutient les start-up et PME locales en leur offrant des infrastructures, des financements et des programmes d’accompagnement. La coopération est au cœur de ce modèle : partage d’espaces de travail, accès aux financements publics et mutualisation des ressources technologiques. Toutefois, la concurrence demeure entre les entreprises, qui doivent se distinguer par leurs innovations pour conquérir des parts de marché. Cet exemple montre comment les PME peuvent tirer parti des partenariats public-privé tout en préservant leur indépendance stratégique.
Dynamique de « coopétition »
Cette dynamique de coopération et de concurrence est souvent décrite par le concept de « coopétition », qui implique à la fois un partage des ressources et une protection stratégique de certaines d’entre elles. Par exemple, Ubisoft utilise la coopétition pour encourager l’échange et stimuler la créativité. De même, des partenariats, comme ceux entre stations de ski pour mutualiser les coûts de marketing ou dans le secteur spatial pour relever des défis technologiques, illustrent cette approche. Dans le secteur viticole, notamment en Auvergne, la coopétition permet aux producteurs d’accroître leur notoriété. Dans les alliances public-privé, la coopétition est un facteur clé. Ces projets réunissent des entreprises privées, souvent concurrentes, et des acteurs publics, chacun ayant des objectifs distincts mais complémentaires. La coopétition permet de combiner les avantages de la coopération, comme le partage des ressources et la diversité des perspectives, avec ceux de la concurrence, tels que la protection des ressources et une prise de décision rapide. Toutefois, elle peut aussi générer des tensions entre les parties prenantes, menant à des conflits ou à des problèmes de coordination, voire à une paralysie du projet. Pour gérer cet équilibre, la gouvernance des alliances est cruciale. Elle est plus efficace lorsqu’elle est centralisée sous la responsabilité d’une organisation chef de file, souvent un acteur public clé, plutôt que dans un modèle de gouvernance partagée où plusieurs groupes de parties prenantes exercent un rôle. Une gouvernance efficace doit simultanément favoriser la coopération et minimiser la concurrence en adoptant une approche stratégique double. À cet égard, un modèle de gouvernance intégrant à la fois des mécanismes contractuels et relationnels est recommandé.