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| 7/04/2021

Prospective : l’Occitanie à l’ère de l’économie symbiotique

« Ima­gi­nons-nous dans quinze ans… Nous sommes en Oc­ci­ta­nie ». C'est ainsi qu'Isa­belle De­lan­noy, théo­ri­cienne de l’éco­no­mie sym­bio­tique (un mo­dèle éco­no­mique ré­gé­né­ra­tif qui as­so­cie éco­sys­tèmes na­tu­rels pros­pères et ac­ti­vité hu­maine in­tense), a in­vité ses au­di­teurs à se pro­je­ter à l’oc­ca­sion d’un évé­ne­ment or­ga­nisé le 7 avril par la Cité de l’éco­no­mie et des mé­tiers de de­main à Mont­pel­lier, des­tiné à « re­pen­ser les re­la­tions entre l’éco­no­mie et le vi­vant ».

« Nous avons en­tamé un nou­veau dé­ve­lop­pe­ment. Le vrai tour­nant s’est pro­duit après la grande pan­dé­mie », rap­pelle Isa­belle De­lan­noy, qui re­cense dans un scé­na­rio pros­pec­tif une mul­ti­tude d’ini­tia­tives déjà ex­pé­ri­men­tées dans di­verses ré­gions du monde. Elle ima­gine par exemple « la ville du quart d’heure », dans la­quelle tous les ser­vices, com­merces et jar­dins sont dis­po­nibles dans un rayon de quinze mi­nutes à pied. Les jar­dins, parcs et bas­sins y ont un rôle de cuves contre les inon­da­tions, de char­geurs de nappes phréa­tiques ou en­core de cen­trales d’épu­ra­tion. Dans cette nou­velle cité, les trans­ports verts ou les dé­pla­ce­ments à pied sont lé­gion et les rares voi­tures sont par­ta­gées. Dans ce contexte, l’achat est re­de­venu local, avec à la clé une créa­tion de ri­chesses sur le ter­ri­toire.
Les pay­sages ont muté : la ville et les sur­faces agri­coles - no­tam­ment ma­raî­chères - se mêlent, et l’agri­cul­ture ma­jo­ri­taire est dé­sor­mais bio­lo­gique. Mal­gré la fin de l’uti­li­sa­tion des pro­duits phy­to­sa­ni­taires, les agri­cul­teurs ont trouvé des so­lu­tions dans la na­ture. L’agro­fo­res­te­rie qui s’est dé­ve­lop­pée per­met d’ali­men­ter les fi­lières ré­gio­nales de la construc­tion bois ou du bois de chauf­fage pour­voyeuses d’em­plois.

Un vé­ri­table sou­tien aux PME s’est dé­ve­loppé, avec la mise en place de pla­te­formes col­la­bo­ra­tives et open source pour les en­tre­prises du ter­ri­toire. Les ci­toyens sont de­ve­nus in­ves­tis­seurs dans les en­tre­prises lo­cales - ar­ti­sans, agri­cul­teurs, pro­duc­teurs d’éner­gie - pre­nant des parts via des pla­te­formes de crowd­fun­ding dé­diées. L’in­dus­trie a to­ta­le­ment changé ses pra­tiques. De l’élec­tro­mé­na­ger aux smart­phones en pas­sant par les voi­tures, tout est de­venu mo­du­laire, avec des pièces qui s’as­semblent et se désas­semblent – lo­ca­le­ment - en fonc­tion des be­soins. Et ce sont sur ces be­soins que les col­lec­ti­vi­tés lo­cales se sont ap­puyées pour en­clen­cher les chan­ge­ments né­ces­saires : « Par­tir des be­soins, adop­ter des so­lu­tions ré­gé­né­ra­tives des res­sources et ou­vrir l’in­ves­tis­se­ment », ex­plique Isa­belle De­lan­noy qui rap­pelle l’im­por­tance du par­tage du sa­voir et des ex­pé­riences pour avan­cer.

L'hu­main créa­teur de bio­di­ver­sité

Selon l’in­gé­nieure, l’en­trée en ré­seau, c’est-à-dire les in­ter­ac­tions hu­maines et entre l’hu­main et la na­ture, consti­tuent la clé de la réus­site de l’éco­no­mie de de­main. Elle rap­pelle d’ailleurs que selon une étude menée par le MIT, 77 % des in­no­va­tions réelles dans l’in­dus­trie viennent non pas des in­dus­triels mais des usa­gers qui font part de leurs be­soins. Autre prin­cipe fon­da­men­tal selon elle : « Re­cher­cher l’ef­fi­cience maxi­male, c’est-à-dire rac­cour­cir les dis­tances, réuti­li­ser au maxi­mum la ma­tière » et op­ti­mi­ser l’usage de l’éner­gie. Enfin, l’im­pact de l’ac­ti­vité hu­maine sur l’en­vi­ron­ne­ment et le vi­vant doit ab­so­lu­ment être étu­dié et évité s’il est né­ga­tif.

Un avis par­tagé par Cyril Dion, écri­vain, poète, éco­lo­giste et réa­li­sa­teur, qui s’ap­prête à sor­tir un nou­veau film in­ti­tulé Ani­mal. Il y pré­sente des exemples de consé­quences né­fastes de l’ac­ti­vité hu­maine sur l’en­vi­ron­ne­ment, mais dé­montre éga­le­ment que l’hu­main peut jouer un rôle non pas de des­truc­teur mais de « créa­teur de vi­vant aug­menté », en ac­cé­lé­rant la créa­tion de bio­di­ver­sité, d'au­tant plus que celle-ci a une réelle uti­lité éco­no­mique. Le réa­li­sa­teur cite l’exemple du Costa Rica, qui après avoir en­gen­dré une large dé­fo­res­ta­tion pour l’éle­vage et la culture du soja a dé­cidé de « ré-en­sau­va­ger » son ter­ri­toire en re­plan­tant mas­si­ve­ment des arbres. « En 40 ans, le Costa Rica est passé de 20 % à plus de 50 % de cou­vert fo­res­tier, et a fondé un mo­dèle éco­no­mique basé sur la va­lo­ri­sa­tion des ser­vices éco­sys­té­miques et sur le tou­risme », ex­plique Cyril Dion.

La Ré­gion en marche pour « la bas­cule du mo­dèle »

Agnès Lan­ge­vine, vice-pré­si­dente de la Ré­gion Oc­ci­ta­nie, en charge de la tran­si­tion éco­lo­gique et éner­gé­tique, de la bio­di­ver­sité, de l’éco­no­mie cir­cu­laire et des dé­chets, qui sui­vait l’évé­ne­ment or­ga­nisé par la Cité de l’éco­no­mie et des mé­tiers de de­main, s’est dite très in­té­res­sées par toutes ces ini­tia­tives et a rap­pelé que la Ré­gion agis­sait pour « cette bas­cule du mo­dèle » éco­no­mique, no­tam­ment à tra­vers son Pacte Vert. Elle a d'ailleurs rap­pelé que la Ré­gion avait lancé une pla­te­forme de fi­nan­ce­ment par­ti­ci­pa­tif telle que celle dé­crite dans le sé­na­rio d'Isa­belle De­lan­noy. Convain­cue que de mul­tiples ini­tia­tives existent lo­ca­le­ment, elle sou­haite que la Ré­gion pour­suive dans son rôle d’ « as­sem­blier », c’est-à-dire de ca­ta­ly­seur des ac­tions pu­bliques et pri­vées qui existent en Oc­ci­ta­nie afin de faire de celles-ci « le mo­dèle do­mi­nant ». Néan­moins, pour chan­ger de pa­ra­digme, Agnès Lan­ge­vine es­time es­sen­tiel de mo­di­fier les in­di­ca­teurs de per­for­mance et de « trou­ver d’autres types d’ou­tils d’éva­lua­tion que le seul PIB ».

Bé­ren­gère Bosi / bosi@​lalettrem.​net

Quid de la culture sym­bio­tique ?

In­vité par la Cité de l’éco­no­mie et des mé­tiers de de­main à l’évé­ne­ment pros­pec­tif du 7 avril, Vincent Ca­va­roc, di­rec­teur de la Halle Tro­pisme à Mont­pel­lier, es­time qu’au-delà d’une « éco­no­mie sym­bio­tique », il peut exis­ter « une culture sym­bio­tique al­ter­na­tive au mo­dèle ca­pi­ta­lis­tique, consu­mé­riste et éner­gi­vore de la culture ». Celle-ci irait « moins vers l’évé­ne­men­tiel et plus vers le struc­tu­rel » en créant des équi­pe­ments qui font sens dans la durée, tels que les tiers lieux.
De son côté, l’ar­tiste et api­cul­teur Oli­vier Darné, croit en l’im­por­tance de trans­mettre des mes­sages par l’art. Fon­da­teur du col­lec­tif d’ar­tistes le Parti Poé­tique, il tra­vaille à la « pol­li­ni­sa­tion de la ville, c’est-à-dire com­ment poser des ques­tions et des abeilles dans l’es­pace pu­blic ». Selon lui, les abeilles ont des le­çons à ap­por­ter aux hu­mains car « la ruche est un éco­sys­tème en re­la­tion avec les autres eco­sys­tèmes. Les abeilles en­seignent un art de la re­la­tion ».

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