Plateformes alternatives : futur porte-étendard de l'économie collaborative ?
L’économie collaborative, perçue dans les années 2000 comme une réponse économique, sociale et environnementale, est aujourd’hui controversée. Les plateformes pionnières, devenues capitalistes, se sont imposées rapidement sur les marchés. Dans l’ombre, des modèles alternatifs tentent de se développer. Éclairage sur cette évolution par Catherine L’Ecuyer, professeur associée à MBS School of Business.
La proposition de valeur d’une plateforme digitale d’économie collaborative est de mettre en relation fournisseurs et clients pour accéder à – et non posséder – des biens sous-exploités (promesse environnementale), gratuitement ou non (promesse économique), pour une période déterminée, entre pairs (promesse sociale). L’hébergement touristique et la mobilité sont les fers de lance de cette économie dont le principe est d’attirer rapidement des utilisateurs via des stratégies d’effets de réseau. En Occitanie, plusieurs plateformes alternatives sont portées par des entrepreneurs aux logiques d’engagement socialement durable, fédérant leur communauté autour de valeurs partagées. Dans l’hébergement touristique, trois d’entre elles concurrencent Airbnb : Bedycasa, positionnée comme une solution éthique ; FairBnB, qui reverse une part de ses revenus à des projets locaux ; Les Oiseaux de Passage, qui valorise l’enrichissement culturel et les récits locaux.
Attirer, convaincre et fidéliser
L’enjeu central est d’attirer, de convaincre et de fidéliser. Les géants de l’économie collaborative l’ont compris très tôt en développant des stratégies relationnelles efficaces (Lecuyer, Marais et Gurau, 2023). La première plateforme de cette économie est française. Fondée en 2006, Blablacar propose le covoiturage : optimisation des sièges inoccupés (environnement), partage des frais (économie) et rencontres entre passagers (social). En 2008, Airbnb promeut un hébergement pour « vivre comme un local ». En 2009, Uber s’autoproclame acteur de cette économie en suppléant le taxi par le véhicule de tourisme avec chauffeur grâce à la géolocalisation et un temps d’attente réduit. Les levées de fonds successives des pionniers de la Silicon Valley ont favorisé l’innovation pour optimiser l’expérience utilisateur. Une fois la taille critique atteinte, ces plateformes sont entrées en bourse pour satisfaire leurs investisseurs. La logique des dividendes prévaut. Nos études sur Airbnb, à New York puis à Paris, ont confirmé trois dynamiques relationnelles : la domination exercée par la plateforme qui contingente son écosystème tout en rappelant qu’elle promeut l’autonomie (flexibilité des horaires) et la réciprocité mutuelle (rôle social). Malgré son agilité, la plateforme est contestée par des tensions augmentant ses coûts transactionnels (litiges, contraintes réglementaires) et fragilisant ses marchés clés. Nous soutenons que les plateformes alternatives, déjà engagées avec les communautés locales, peuvent devenir les nouveaux porte-étendards de l’économie collaborative. Leur avenir repose sur des stratégies de réseau ciblées et leur attractivité auprès des investisseurs et fonds à impact.