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Languedoc-Roussillon
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Finances
| 3/02/2021

PGE : la crainte d'une bombe à retardement

63 440 en­tre­prises d’Oc­ci­ta­nie ont à ce jour bénéficié d’un prêt ga­ranti par l’État (PGE) pour un mon­tant de 8,887 Md€. À l’ap­proche du rem­bour­se­ment des pre­mières échéances, face à une crise sa­ni­taire et éco­no­mique qui dure, le mi­nistre de l’Éco­no­mie an­nonce mi-jan­vier la pos­si­bi­lité de le re­por­ter d’un an. « Selon nos pre­miers contacts, la plu­part des en­tre­prises vont res­ter dans le ca­len­drier ini­tial et com­men­cer à rem­bour­ser », in­dique René Alary, président du Co­mité des banques de la fédéra­tion ban­caire française de l’Hérault. Tout dépen­dra du sec­teur de l’en­tre­prise et de l’état de sa tréso­re­rie, pour­suit-il, no­tant que « les ar­ti­sans et les pro­fes­sion­nels des CHR ont ten­dance à se sai­sir de ce déca­lage ». Ce sera le cas par exemple pour le groupe ca­ta­lan Rous­sillHôtel : « Nous n’avons pas réel­le­ment de vi­si­bi­lité sur nos pro­chaines réou­ver­tures, ex­plique Xa­vier Lor­mand, le di­ri­geant. Notre PGE de 5 M€ nous per­met de payer les charges fixes. Sans ac­ti­vité ni chiffre d’af­faires, cette me­sure nous per­met de conser­ver nos 350 sa­la­riés. »

UN RE­PORT DE PRÉCAU­TION

Du côté des syn­di­cats pa­tro­naux, « notre re­com­man­da­tion est de gar­der tout ou par­tie de cette épargne de précau­tion, in­dique So­phie Gar­cia, prési­dente du Medef Oc­ci­ta­nie. Rem­bour­ser sur quatre ou cinq ans, pour une en­tre­prise viable, cela ne fait pas une grande différence .» Avec un bémol tou­te­fois : « Si les grandes en­tre­prises, en­tourées d’ex­perts et de ser­vices fi­nan­ciers, sont ca­pables de faire des pro­jec­tions, il n’en est pas de même pour les plus pe­tites en­tre­prises, sou­vent la tête dans le gui­don. » Pour Grégory Blan­vil­lain, président de la CPME 34, « dans un an, c’est l’en­semble des dettes de l’en­tre­prise qu’il fau­dra considérer, pas seule­ment le PGE, avec un échéan­cier à long terme. L’im­pact d’une dette, selon sa durée d’amor­tisse- ment dans le temps, n’aura pas la même in­ci­dence en matière de co­ta­tion de la Banque de France ».

TAUX D’EN­DET­TE­MENT

« Avec le PGE ad­di­tionné aux autres lignes de crédit, le taux d’en­det­te­ment des en­tre­prises va ex­plo­ser, pour­suit Ben­ja­min Che­va­lier, vice-président de la CPME 34. À tel point qu’il ne leur sera peut-être plus pos­sible de s’en­det­ter da­van­tage pour des in­ves­tis­se­ments à venir. » De fait, pour per­mettre aux en­tre­prises de réin­ves­tir et se prémunir de défauts de rem­bour­se­ment, cer­tains vou­draient trans­for­mer les PGE en quasi-fonds propres ou en prêt par­ti­ci­pa­tif. « Une ex­cel­lente idée, es­time Pierre Da­mien Ro­chette (Ro­chette in­dus­trie, 170 sa­la­riés, Béziers). Cela per­met­trait de réduire le taux d’en­det­te­ment, in­di­ca­teur clé des banques. » Cette piste est aussi jugée « très intéres­sante » par So­phie Gar­cia :« Avoir une par­ti­ci­pa­tion pu­blique dans les fonds propres est intéres­sant car l’inves- tis­seur pu­blic est plus pa­tient, moins contrai­gnant. Cela peut ras­su­rer les par­te­naires. Des fonds privés pour­raient éga­le­ment être intéressés. » Mais le di­rec­teur régio­nal de la Banque de France, Stéphane La­touche, l’as­sure : « Il n’y aura pas de trans­for­ma­tion des PGE en fonds propres. Cette op­tion n’est pas prévue. » Des pro­po­si­tions sont at­ten­dues cou­rant février.

La ré­dac­tion

Té­moi­gnages : ce qu'ils vont faire de leur PGE

- « Nous dé­ci­de­rons fin mars si nous pro­fi­tons de cette pos­si­bi­lité de re­por­ter le rem­bour­se­ment »
Oli­vier Ti­chit, di­rec­teur fi­nan­cier du groupe vi­ti­cole Ad­vini (34)

« For­te­ment sol­li­cité par les banques, nous avons sous­crit en mai der­nier un PGE de 20 M€, par pré­cau­tion. L'idée est de le rem­bour­ser in­té­gra­le­ment sans l'amor­tir. Nous ne l'avons pas consommé car nous avons au même mo­ment réussi à re­struc­tu­rer notre dette. Via un re­fi­nan­ce­ment sur sept ans de 255 M€, nous sommes dé­sor­mais en me­sure de pour­suivre notre crois­sance en toute sé­cu­rité, via des ac­qui­si­tions, mais aussi de faire face à la crise sa­ni­taire. En fonc­tion de l'ac­ti­vité, nous dé­ci­de­rons quand même fin mars si nous pro­fi­tons, ou pas, de cette pos­si­bi­lité de re­por­ter le rem­bour­se­ment du PGE d'un an. Ce début d'an­née est en­core pous­sif avec les CHR qui res­tent fer­més. »

- « Je suis en train de né­go­cier avec mes banques »
Etienne Léa, di­ri­geant de l'en­tre­prise in­dus­trielle Cap­tels (30 sa­la­riés, 34)

« Le PGE, qui re­pré­sente 15 % du CA N-1, a été par­tiel­le­ment consommé. Nous n’en avons pas eu be­soin grâce aux aides de l’Etat : chô­mage par­tiel, re­ports de prêts et charges, des pré­lè­ve­ments Urs­saf. Je suis en train de né­go­cier avec mes banques, Banque Po­pu­laire et BNP, pour un re­port d’un an, donc en avril 2022, et un amor­tis­se­ment sur la durée maxi­mum ».

-« Le re­port d'un an du rem­bour­se­ment du PGE est une bonne chose »
Xa­vier Lor­mand, di­ri­geant de Rous­sill’hô­tel (350 sa­la­riés - 66)

« Le re­port d'un an du rem­bour­se­ment du PGE est une bonne chose car nous n’avons pas réel­le­ment de vi­si­bi­lité sur nos pro­chaines ré­ou­ver­tures. Nous avons ob­tenu 5 M€ au titre du PGE. Cette en­ve­loppe nous per­met de payer les charges fixes (sa­laires, élec­tri­cité, le gar­dien­nage, en­tre­tien…). Sans ac­ti­vité ni chiffre d’af­faires, cette me­sure nous per­met de conser­ver nos 350 sa­la­riés. Nous n’avons pas li­cen­cié. Il faut que tous soient prêts à re­prendre dans une bonne dy­na­mique. Nous pré­fé­rons nous ap­puyer sur nos par­te­naires ban­caires, et non le PGE, pour pour­suivre nos in­ves­tis­se­ments. Ac­tuel­le­ment, une tren­taine de per­sonnes s’ac­tivent au siège pour pré­pa­rer les ré­ou­ver­tures que l’on es­père au­tour du 6 avril. Nous pour­rions alors ren­trer dans une si­tua­tion cri­tique. »

- « Ce prêt nous a per­mis de re­trou­ver une cer­taine vi­si­bi­lité fi­nan­cière et de stop­per nos pro­grammes d’aus­té­rité »
Jaime Arango, di­rec­teur fi­nan­cier de la bio­tech Me­din­Cell (140 sa­la­riés – 34)

« Nous avons bé­né­fi­cié de 13,7 M€ au titre du PGE. Une par­tie - 11,9 M€ - au­près de la Banque Po­pu­laire du Sud de la BNP en mai, et une autre - 1,8 M€ - entre fin juin et oc­tobre au­près de la Caisse d’Épargne et de Bpi­france. Ce prêt nous a per­mis de re­trou­ver une cer­taine vi­si­bi­lité fi­nan­cière et de stop­per nos pro­grammes d’aus­té­rité. Nous avons pu dire aux équipes “tout le monde gar­dera son tra­vail“. Une par­tie du PGE a été consom­mée mais pas l’in­té­gra­lité car nous avons éga­le­ment bou­clé une aug­men­ta­tion de ca­pi­tal de 15,6 M€ en juin der­nier. Le PGE nous a aidé pour cette opé­ra­tion qui a pu se dé­rou­ler dans de bonnes condi­tions car nous n’avions pas le cou­teau sous la gorge. »

- Nous n'avons pas to­ta­le­ment consommé l'en­ve­loppe »
Hugues Mo­reau, di­ri­geant de Cli­ma­vie (34)

« Savie, la fi­liale de Cli­ma­vie dé­diée au dé­pan­nage et à la main­te­nance en génie cli­ma­tique (10 sa­la­riés), a ob­tenu un PGE de 150 k€. J’ai uti­lisé ce PGE pour in­ves­tir dans la di­gi­ta­li­sa­tion pour fa­ci­li­ter les échanges de don­nées, les contrats... Nous ré­flé­chis­sions aussi à faire des vi­déos de dé­pan­nage. L’en­ve­loppe a aussi servi à faire évo­luer la flotte de vé­hi­cules. Même, si nos pro­jets ont bien avancé, nous n’avons pas to­ta­le­ment consommé cette en­ve­loppe. »

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