Le mandat ad hoc, outil de prévention
Rétablir la situation de l'entreprise avant la cessation des paiements. Tel est l’objectif principal du mandat ad hoc, une procédure préventive et confidentielle pour le règlement amiable des difficultés rencontrées par l’entreprise. Un outil qui reste cependant relativement méconnu des entreprises.
Litige avec un client ou fournisseur, avec des banques ou créanciers, loyers impayés... Avant d'arriver au point de non retour en termes de paiement, certaines procédures préventives peuvent être déclenchées par le chef d'entreprise comme le mandat ad hoc ou la conciliation. À raison : selon Bpifrance, 70 % des entreprises qui lancent un mandat ad hoc réussissent à se sortir de leurs difficultés. « Pour recourir au mandat ad hoc, il ne faut pas être en cessation de paiement et son processus n’est pas limité dans le temps, précise Jean-Marie Albouy, président du tribunal de commerce de Nîmes. En revanche, la conciliation est accessible même en cessation de paiement à condition que celle-ci date de moins de 45 jours. Elle est aussi limitée dans le temps : cinq mois en temps normal, mais ce délai a été porté à 10 mois en raison de la crise sanitaire. »
Processus fluide
Concrètement, le dirigeant sollicite cette procédure par voie de requête auprès du président du tribunal compétent, en fonction de son activité – tribunal de commerce pour les artisans et commerçants, de grande instance pour les autres – et de son territoire. Le tribunal donne ensuite pouvoir à un tiers. Il peut s’agir d’un avocat, d’un expert économique… La personne mandatée a pour mission de travailler sur le dossier et de trouver un arrangement. « Dans la majorité des cas, nous désignons un administrateur judiciaire », indique Jean-Marie Albouy. Selon Me Valérie Nouvel, avocate spécialisée en droit des entreprises en difficulté, au Barreau de Toulouse, « le point central du mandat ad hoc, c’est qu’il permet de rétablir la confiance (…) Si l’entreprise fait face à un climat interne délétère, les qualités de médiateur du mandataire ad hoc seront primordiales à la résolution du conflit. »
Secret
Un des points forts de ces procédures est leur caractère confidentiel. Seules les personnes engagées dans le processus en connaissent les détails. Il n'y a pas d'obligation d'information. Me Lucia Alvarez Alonso, avocate en droit des affaires à Toulouse, nuance toutefois : « L’avocat est tenu au secret, le mandataire est tenu à la confidentialité. Les cocontractants, eux, sont libres ». Pour éviter toute fuite, un traitement du mandat entre avocats aide. « Si l’entreprise est déjà poursuivie, le mandat ad hoc ne provoque pas l’arrêt des poursuites, prévient par ailleurs Me Nouvel. De plus, la nomination d’un mandataire ad hoc n’empêche pas les partenaires de vous poursuivre en justice. »
Procédure méconnue, voire boudée
Comme c’est le cas pour les procédures collectives, le nombre de mandats ad hoc et conciliations enregistré en 2020 a baissé par rapport aux années précédentes : il est passé de 68 en 2018 à 51 en 2020 au tribunal de commerce de Toulouse, et de 50 à 20 au tribunal de commerce de Montpellier. Une tendance qui s’explique par le soutien des aides gouvernementales octroyées aux entreprises durant la crise Covid, mais qui n’en demeure pas moins inquiétante. « Beaucoup d’entreprises ne survivront pas » alertait, en octobre, William Koeberlé, président du Conseil de commerce de France. Mieux vaut donc prévenir que guérir.