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Région Occitanie
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Finances / Justice
| 29/01/2021

Le mandat ad hoc, outil de prévention

Ré­ta­blir la si­tua­tion de l'en­tre­prise avant la ces­sa­tion des paie­ments. Tel est l’ob­jec­tif prin­ci­pal du man­dat ad hoc, une pro­cé­dure pré­ven­tive et confi­den­tielle pour le rè­gle­ment amiable des dif­fi­cul­tés ren­con­trées par l’en­tre­prise. Un outil qui reste ce­pen­dant re­la­ti­ve­ment mé­connu des en­tre­prises.

Li­tige avec un client ou four­nis­seur, avec des banques ou créan­ciers, loyers im­payés... Avant d'ar­ri­ver au point de non re­tour en termes de paie­ment, cer­taines pro­cé­dures pré­ven­tives peuvent être dé­clen­chées par le chef d'en­tre­prise comme le man­dat ad hoc ou la conci­lia­tion. À rai­son : selon Bpi­france, 70 % des en­tre­prises qui lancent un man­dat ad hoc réus­sissent à se sor­tir de leurs dif­fi­cul­tés. « Pour re­cou­rir au man­dat ad hoc, il ne faut pas être en ces­sa­tion de paie­ment et son pro­ces­sus n’est pas li­mité dans le temps, pré­cise Jean-Ma­rie Al­bouy, pré­sident du tri­bu­nal de com­merce de Nîmes. En re­vanche, la conci­lia­tion est ac­ces­sible même en ces­sa­tion de paie­ment à condi­tion que celle-ci date de moins de 45 jours. Elle est aussi li­mi­tée dans le temps : cinq mois en temps nor­mal, mais ce délai a été porté à 10 mois en rai­son de la crise sa­ni­taire. »

Pro­ces­sus fluide
Concrè­te­ment, le di­ri­geant sol­li­cite cette pro­cé­dure par voie de re­quête au­près du pré­sident du tri­bu­nal com­pé­tent, en fonc­tion de son ac­ti­vité – tri­bu­nal de com­merce pour les ar­ti­sans et com­mer­çants, de grande ins­tance pour les autres – et de son ter­ri­toire. Le tri­bu­nal donne en­suite pou­voir à un tiers. Il peut s’agir d’un avo­cat, d’un ex­pert éco­no­mique… La per­sonne man­da­tée a pour mis­sion de tra­vailler sur le dos­sier et de trou­ver un ar­ran­ge­ment. « Dans la ma­jo­rité des cas, nous dé­si­gnons un ad­mi­nis­tra­teur ju­di­ciaire », in­dique Jean-Ma­rie Al­bouy. Selon Me Va­lé­rie Nou­vel, avo­cate spé­cia­li­sée en droit des en­tre­prises en dif­fi­culté, au Bar­reau de Tou­louse, « le point cen­tral du man­dat ad hoc, c’est qu’il per­met de ré­ta­blir la confiance (…) Si l’en­tre­prise fait face à un cli­mat in­terne dé­lé­tère, les qua­li­tés de mé­dia­teur du man­da­taire ad hoc se­ront pri­mor­diales à la ré­so­lu­tion du conflit. »

Se­cret
Un des points forts de ces pro­cé­dures est leur ca­rac­tère confi­den­tiel. Seules les per­sonnes en­ga­gées dans le pro­ces­sus en connaissent les dé­tails. Il n'y a pas d'obli­ga­tion d'in­for­ma­tion. Me Lucia Al­va­rez Alonso, avo­cate en droit des af­faires à Tou­louse, nuance tou­te­fois : « L’avo­cat est tenu au se­cret, le man­da­taire est tenu à la confi­den­tia­lité. Les co­con­trac­tants, eux, sont libres ». Pour évi­ter toute fuite, un trai­te­ment du man­dat entre avo­cats aide. « Si l’en­tre­prise est déjà pour­sui­vie, le man­dat ad hoc ne pro­voque pas l’ar­rêt des pour­suites, pré­vient par ailleurs Me Nou­vel. De plus, la no­mi­na­tion d’un man­da­taire ad hoc n’em­pêche pas les par­te­naires de vous pour­suivre en jus­tice. »

Pro­cé­dure mé­con­nue, voire bou­dée
Comme c’est le cas pour les pro­cé­dures col­lec­tives, le nombre de man­dats ad hoc et conci­lia­tions en­re­gis­tré en 2020 a baissé par rap­port aux an­nées pré­cé­dentes : il est passé de 68 en 2018 à 51 en 2020 au tri­bu­nal de com­merce de Tou­louse, et de 50 à 20 au tri­bu­nal de com­merce de Mont­pel­lier. Une ten­dance qui s’ex­plique par le sou­tien des aides gou­ver­ne­men­tales oc­troyées aux en­tre­prises du­rant la crise Covid, mais qui n’en de­meure pas moins in­quié­tante. « Beau­coup d’en­tre­prises ne sur­vi­vront pas » aler­tait, en oc­tobre, William Koe­berlé, pré­sident du Conseil de com­merce de France. Mieux vaut donc pré­ve­nir que gué­rir.

Sté­pha­nie Roy / roy@​lalettrem.​net