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Hérault
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Transports - Logistique
| 9/06/2020

Nicolas Le Moigne (Vélocité) : "L'impact du vélo sur l'économie d'un territoire est avéré"

Créée en 1998, l’as­so­cia­tion mont­pel­lié­raine Vé­lo­cité s’em­ploie à pro­mou­voir le vélo comme moyen de dé­pla­ce­ment au quo­ti­dien. Sor­tie de l’ombre à l’au­tomne 2018 en pre­nant la tête d’un élan ci­toyen d'en­ver­gure, Vé­lo­cité, par l'in­ter­mé­diaire de son pré­sident Ni­co­las Le Moigne, prêche aussi la bonne pa­role au­près des en­tre­prises pour faire du vélo un le­vier éco­no­mique.

Pour­quoi et com­ment l'en­tre­prise peut-elle en­cou­ra­ger l'usage du vélo?
Le vélo a plu­sieurs avan­tages en termes éco­no­miques. Au ni­veau de la pro­duc­ti­vité déjà, selon une étude réa­li­sée à Londres, un em­ployé qui vien­dra à vélo au tra­vail aura 25 % d’ar­rêt de tra­vail en moins. Ce qui est bon pour l’en­tre­prise le sera aussi pour les dé­penses de santé pu­blique… On a cou­tume de dire qu’un ki­lo­mètre réa­lisé en voi­ture coûte 70 cen­times d’euro tan­dis qu’un ki­lo­mètre à vélo rap­porte 60 cen­times avec la baisse des frais de santé, l’im­pact moindre sur les in­fra­struc­tures… Autre avan­tage pour l’en­tre­prise, en termes de coûts : se doter d’un par­king à voi­tures pour ses sa­la­riés a un prix et re­pré­sente une em­prise au sol im­por­tante alors qu’il est pos­sible de faire sta­tion­ner cinq vélos là où une seule voi­ture se gare. Les em­ployeurs dis­posent aussi de le­viers pour fa­vo­ri­ser l’usage du vélo via le plan de dé­pla­ce­ment d'en­tre­prise ou des in­ci­ta­tions fi­nan­cières. S'ils pou­vaient déjà prendre en charge la moi­tié des frais de dé­pla­ce­ment de leurs em­ployés en trans­port en com­mun, un ré­cent dé­cret, pu­blié le 11 mai, ac­corde dé­sor­mais une in­dem­nité ki­lo­mé­trique vélo de 200 € par an et par agent dans la fonc­tion pu­blique et de 400 € par sa­la­riés - mais ce n’est pas obli­ga­toire - dans le privé. L’en­tre­prise ou la col­lec­ti­vité y vien­dra si elle y voit son in­té­rêt, or les deux sont de plus en plus sou­cieuses de « ver­dir » leur image. Les chal­lenges pour aller au tra­vail à vélo, #My­Bi­ke­To­Work, fleu­rissent par exemple, à l'ins­tar du conseil dé­par­te­men­tal de l’Hé­rault qui en pré­voit un pour la ren­trée.

Le vélo par­ti­cipe-t-il aussi à l'at­trac­ti­vité du ter­ri­toire?
Tout à fait. Quel­qu’un qui tra­vaille à Paris ne va pas venir à Mont­pel­lier pour re­trou­ver qua­rante-cinq mi­nutes de bou­chons au quo­ti­dien. 60 % de la po­pu­la­tion de la Mé­tro­pole est à trente mi­nutes de la place de la Co­mé­die : à choi­sir, je pré­fère faire ces trente mi­nutes à vélo plu­tôt que coincé dans ma voi­ture! Les modes de vie changent et les en­tre­prises n’en ont pas en­core suf­fi­sam­ment pris conscience. Ni la puis­sance pu­blique d’ailleurs : on peut ima­gi­ner qu’une en­tre­prise comme Ves­tas à Pé­rols (aux portes de Mont­pel­lier, NDLR), spé­cia­li­sée dans les éner­gies re­nou­ve­lables et da­noise de sur­croît, ne pren­dra pas long­temps cette ques­tion d’ac­ces­si­bi­lité de son site à vélo à la lé­gère.

Existe-il des poches de ré­sis­tance quant aux bien­faits du vélo pour l’éco­no­mie?
Cela évo­lue mais on voit bien qu’il y a des ré­ti­cences. On les res­sent chez les com­mer­çants du centre-ville de Mont­pel­lier par exemple et à tra­vers l’ab­sence de dia­logue avec leurs re­pré­sen­tants. Nous avons sol­li­cité plu­sieurs fois des ren­dez-vous au­près de la CCI, sans ré­ponse à ce jour. Les com­mer­çants ne per­çoivent pas les bé­né­fices du vélo pour leur ac­ti­vité, ils veulent à tout prix faire venir les voi­tures en centre-ville pour re­lan­cer le com­merce, à grand coup d’heures de par­king gra­tuites. Nous sommes sans doute face à une gé­né­ra­tion de com­mer­çants qui ha­bite en pé­ri­phé­rie de Mont­pel­lier et qui est per­sua­dée que les gens viennent en voi­ture. Ce qu’il faut rap­pe­ler pour­tant, c’est que si le pa­nier du cy­cliste est plus faible que celui de l’au­to­mo­bi­liste à l’ins­tant T, il sera au bout d’une année de consom­ma­tion plus im­por­tant côté cy­cliste car ce­lui-ci sera venu plus ré­gu­liè­re­ment. La ques­tion n’est pas de sa­voir com­ment faire venir plus de voi­tures mais bien com­ment faire venir plus de monde. Le com­merce de centre-ville a tout à ga­gner s’il de­vient plus at­trac­tif pour les vélos. D’ailleurs de plus en plus de com­mer­çants jeunes ré­clament des sta­tion­ne­ments sé­cu­ri­sés de­vant chez eux. Du­rant la pé­riode de Noël, Ma­drid a dû fer­mer son centre-ville aux voi­tures en rai­son de la pol­lu­tion : mal­gré les craintes des pro­fes­sion­nels, il y a eu un vé­ri­table boom des achats.

Le deuxième tour des mu­ni­ci­pales ap­proche. Com­ment pe­sez-vous dans les dé­bats?
En vue de ces élec­tions mu­ni­ci­pales, nous avons éla­boré un plan Vélo à l’at­ten­tion des can­di­dats. Nous es­ti­mons que la ligne bud­gé­taire dé­diée au vélo par la Mé­tro­pole de Mont­pel­lier doit être de 15 à 20 M€ par an sur la durée du man­dat. Nous de­man­dons éga­le­ment à ce que le vélo soit un moyen de dé­pla­ce­ment à l’échelle de la mé­tro­pole avec un Ré­seau ex­press vélo. Au­jour­d’hui Mont­pel­lier fait par­tie des villes les plus pol­luées et conges­tion­nées de France. Venez de Saint-Jean de Védas (à 6 km de Mont­pel­lier, NDLR) jus­qu’à la place de la Co­mé­die un di­manche, pas de pro­blème. En se­maine? je vous le dé­con­seille tant le tra­fic est dense. À Mont­pel­lier, ce sont les ci­toyens qui portent la po­li­tique cy­clable, au contraire de Co­pen­hague ou Am­ster­dam où c’est la puis­sance pu­blique qui est mo­teur. Avant le pre­mier tour des mu­ni­ci­pales, nous avons or­ga­nisé un grand oral sur le sujet avec tous les can­di­dats. Une deuxième ren­contre, avec les trois listes en lice, est en train de s’or­ga­ni­ser.

Mont­pel­lier sera-t-elle de­main la nou­velle Co­pen­hague?
La ques­tion de la place du vélo à Mont­pel­lier a beau­coup évo­lué ces der­nières an­nées. Il y a dé­sor­mais une dy­na­mique ci­toyenne en fa­veur de l’usage du vélo qui ne se dé­ment pas. Pour ne par­ler que de Vé­lo­cité, nous sommes pas­sés en un an de 68 à plus de 900 adhé­rents ! Le Co­vid-19 est aussi passé par là et le vélo s’est ré­vélé être un outil pour faire face à la crise sa­ni­taire en termes de mo­bi­lité. Mais que l’on ne s’y trompe pas: nous ne de­man­dons pas l’ar­rêt de la voi­ture mais plu­tôt une vé­ri­table al­ter­na­tive et un choix de son mode de trans­port. 76 % de la po­pu­la­tion fran­çaise prend sa voi­ture pour faire un dé­pla­ce­ment de cinq ki­lo­mètres. Ces cinq ki­lo­mètres se font en vingt mi­nutes à vélo. On es­time qu’à Mont­pel­lier la pra­tique du vélo re­pré­sente 4 à 6 % des dé­pla­ce­ments quo­ti­diens. C’est 15 % à Bor­deaux, 40 à 50 % à Co­pen­hague… L’ob­jec­tif na­tio­nal est de pas­ser à 9 % d’ici à 2024, on s’en ap­proche.

Pro­pos re­cueillis par Nelly Barbé - barbe@​lalettrem.​net
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