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| 29/08/2018

La crise des CCI au cœur de l'Université d'été du Medef

Que vont devenir les CCI, après l'annonce, cet été, par le gouvernement, d'une coupe drastique des dotations (- 400 M€ d'ici à 2022) ? Et quel impact, demain, pour les Medef territoriaux ? La question revient dans toutes les bouches lors de l'Université d'été du mouvement patronal, qui se déroule les 28 et 29 août sur le campus de HEC Paris (Jouy-en-Josas - 78). « Le rôle du Medef va être amené à évoluer en matière d’accompagnement du développement économique local, vu la situation dans laquelle se trouvent les CCI : elles sont réduites à la portion congrue », souligne Francis Pozo, secrétaire général du Medef Béziers Ouest Hérault.
Rapport de cause à effet ? Toujours est-il que le nouveau président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, a présenté mardi matin, lors du forum des adhérents, un projet de réforme du Medef. Ce projet préconise, entre autres, « un renforcement du rôle des Medef territoriaux », avec davantage de moyens, davantage de liens entre le Medef national et les territoires, et le possible recrutement de développeurs dans les régions pour, entre autres, booster le nombre d'adhérents, glisse un membre du Medef.
Le syndicat patronal ne se délecte pas pour autant des difficultés présentes et futures du réseau consulaire régional, où 400 postes sont menacés d'ici à 2022. Les deux réseaux sont liés, avec souvent des élus communs. « Il y a un côté cynique de la part de l'État. Il demande aux présidents de CCI de faire le sale travail, s'agace un décideur toulousain. Réduire les dotations, pourquoi pas, parler du rôle des CCI, d'accord, mais la méthode utilisée est brutale. On inflige 50 % de dotations en moins aux CCI en quatre ans. Mais que fait l'État, de son côté ? Le Premier ministre Édouard Philippe a mis en avant, lors de son discours, mardi, un effort de 10 % sur les postes de diplomates en quatre ans. Mais 10 %, ce n'est pas 50 %... » Conclusion du Biterrois Fabien Portes, directeur du réseau franchisé des magasins But et pourtant candidat à la présidence de la CCI Hérault face à André Deljarry, fin 2016 : « Je n'aimerais pas être à la place d'un président de CCI aujourd'hui ! »

Ce mercredi, en fin de matinée, une réunion d’échange autour de la réforme des CCI s’est déroulée, dans une salle pleine à craquer - preuve de l’intérêt accordé par les dirigeants à ce thème - de HEC Paris. Morceaux choisis, les auteurs souhaitant rester anonymes.

« Il y a le feu au lac (pour les CCI, NDLR). La messe semble dite dans la lettre de cadrage de Bruno Le Maire : 400 M€ en moins, des missions assignées. Il est impossible que le Medef ne prenne pas une position politique par rapport aux CCI . 80 % des CCI sont Medef. Des présidents de CCI sont en burn-out, en grande difficulté. On ne peut pas les abandonner. »

« ça fait des années que le Medef tourne autour du pot et n’aborde pas le sujet avec lucidité. Souvent, les CCI sont présidées par des représentants du Medef, qui se retrouvent aujourd’hui livrés à eux-mêmes. Ils sont frustrés de ne pas avoir de ligne de conduite. Il faut créer une plateforme de propositions, pour contrer la croyance selon laquelle les CCI sont des vieilleries, qui coûtent cher et ne rapportent rien. Sur le dossier consulaire, on est rattrapés par la patrouille, par un État très centralisateur, qui a tendance à stigmatiser les corps intermédiaires, avec une position doctrinaire. Il s’agit aussi pour l’État de faire les poches aux uns et aux autres, pour échapper à faire les efforts lui-même, chose à laquelle il n’échappera pas le jour venu. Ce gouvernement avance résolument, avec beaucoup d’a priori. Il est temps qu’on reprenne la main, sinon, le réseau consulaire va disparaître. Or, c’est un outil utile à nos entreprises. »

« Nous nous entendons très bien avec la CCI de l’Ariège. On organise des réunions en commun pour nos chefs d’entreprises. Des structures se montent pour faire concurrence aux CCI. Chez nous, l’agence Ariège Expansion s’occupe du développement du tourisme, de l’hôtellerie et des commerces. »

« Il faut arrêter une doctrine, et peser sur le débat. Sur des territoires non métropolitains, si on laisse tout aux Régions, la parole des chefs d’entreprises sera difficile à porter. »

« Ce nouveau coup de rabot est la peine de mort. Des présidents de CCI sont prêts à rendre le tablier, ne sachant pas comment ils vont boucler leurs budgets. La question du financement des centres d’apprentissage se pose. Pour la partie dédiée aux entreprises, si on continue à fermer le robinet, il y aura 5 000 personnes au chômage (400 en Occitanie, NDLR), et les services aux entreprises seront réduits comme peau de chagrin. Mais la taxe devra toujours être payée. On demande un peu de cohérence politique. Certes, il y a eu des dérives dans les CCI, mais on balaie devant notre porte depuis trois ans déjà. »

« L’image des chambres de commerce regroupant des notables de Province est très ancrée. Pourtant, les CCI ont une voix à porter sur des projets de zones d’activité, d’aménagement, d’infrastructure... il y a des vrais sujets économiques sur lesquels les chefs d’entreprises, qui composent les CCI, doivent être présents ! Sinon, les réunions n’auront plus que fonctionnaires et élus. Il faut par ailleurs des TPE-PME performantes, aidées par les CCI dans leur digitalisation et leur organisation. Les grands donneurs d’ordres ont besoin de sous-traitants performants. Le Medef a depuis trop longtemps une position flottante sur les CCI, car les relations sont parfois tendues entre CCI et Medef dans certains territoires. Par ce silence, le Medef a ouvert un front, et c’est pour cela que les CCI sont autant attaquées. »

Hubert Vialatte / vialatte@lalettrem.net
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