Convergences touristiques 2023 : l'impact du transport aérien en question
Organisée par le CRTL (Comité régional du tourisme et des loisirs) d'Occitanie, du 16 au 18 octobre à La Grande-Motte, la cinquième édition des “Convergences touristiques“ a réuni près de 1 200 professionnels régionaux en vue de réfléchir à un tourisme « positif ». L’occasion pour plusieurs intervenants nationaux et régionaux d’exposer leurs réflexions sur le futur du secteur et l’impact des mobilités dans le cadre de conférences et d’ateliers. Pointé du doigt, l’aérien. « 70 % du bilan carbone du tourisme provient du transport. 40 % de ce total émane de l’aérien. Ce dernier ne pèse pourtant que 12 % des entrées sur le territoire », rappelle Antoine Pin, responsable de l'organisation environnementale Protect Our Winter.
Causes multifactorielles
« Le trafic aérien connaît une croissance tirée par le tourisme. En 10 ans, les vols pour motif personnel ont doublé en France », abonde Alexis Chailloux, responsable des mobilités chez Greenpeace France. Et le train coûte deux fois plus cher que l’avion en Europe. » En guise de “bonne pratique“, le représentant de Greenpeace évoque l’initiative de la Ville de Paris, qui a voté, au printemps dernier, la réduction de 12 % du trafic des aéroports de Paris (ADP) « Lors de la crise sanitaire, une partie de la clientèle internationale a été substituée par une clientèle européenne. Cela n'a eu aucun impact économique, au contraire du bilan carbone. » Toujours selon Alexis Chailloux, les politiques publiques touristiques ne se mettent pas au diapason des enjeux de décarbonation, dont l’accord de Paris. « Dans le secteur aérien, on continue à injecter de l’argent public dans les projets d'agrandissements d’aéroports, comme à Montpellier. Mais aussi à subventionner des aéroports régionaux dédiés à des compagnies low cost, comme à Béziers ou Carcassonne. » Chargé de recherche et professeur associé à l’université Aix-Marseille, sur les questions touristiques, Prosper Wanner, apporte une analyse multifactorielle à ces problématiques. « Le tourisme est souvent présenté comme un bouc émissaire, comme avec le tourisme de masse. On s’intéresse rarement aux causes : la fiscalité, les algorithmes et systèmes de classement des établissements.» Pour l’universitaire, l’économie touristique doit modifier son modèle. « C'est un secteur où nous sommes tous en compétition. Entre hébergeurs, entre destinations dans des logiques de comparateurs. Il faudrait être plutôt dans une forme de complémentarité. Elle suscite l’itinérance et les mobilités douces ». Il cite notamment l’exemple de l’aéroport de Marseille dont le trafic annuel – 10 M de voyageurs – est composé à « 7 M de voyageurs sortants contre 3 M d’entrants »
Des initiatives positives
Le responsable de Greenpeace abonde. « La France est la première destination mondiale par le nombre de voyageurs, mais elle reste derrière l’Espagne et les États-Unis en termes de chiffre d’affaires généré. Il y a peut-être un travail à réaliser sur le fait d’accueillir moins d’étranger tout en les faisant rester plus longtemps » Les intervenants pointent également des initiatives positives apportées récemment par l’économie touristique. « Avec la Covid, il y a eu une prise de conscience de l’importance du tourisme de proximité. Les collectivités et privés ont aussi compris que 40 % de français ne partait pas en vacances, avec le retour d’initiatives d’aides au départ. » Benjamin Martinie créateur du média Hourrail, pointe une initiative récente du groupe Pierre et Vacances. « Dernièrement, cette structure a remboursé 15% des billets de train pour leurs clients qui avait choisi ce mode de transport. Ils ont aussi pour objectif de labelliser Clef verte l’ensemble de leur résidence à horizon 2025.»
Jean Pinard (CRTL Occitanie) : « Se réinventer et être raisonnable sur l’offre »
Comment endiguer la défiance vis-à-vis du transport ?
Il est difficile pour une économie comme le tourisme de constater que le transport ne va pas. Le tourisme est né du voyage. Il faut se réinventer et être raisonnable sur l’offre. Accepter qu’elle ne soit pas exponentielle. Le tourisme se trouve au cœur d’un paradoxe. La demande tend vers des séjours plus vertueux. Or, nous sommes dans une économie de service où l’offre fait la demande. Je crois à une croissance verte et maîtrisée. Comme à l’avion vert, mais celui-ci serait opérationnel d’ici 10 à 15 ans. En Occitanie, le tourisme représente 8 % du PIB régional, pour 11 % des émissions de CO2. L'idée est d'inverser cette tendance.
La région reste néanmoins bien-lotie ?
En Occitanie, il y a notamment le train à un euro et de nombreuses initiatives engagées avec l’Ademe. Nous avons rééquilibré les ressources et notre vision du tourisme entre des clientèles lointaines, nationales et de proximité Les billets à un euro génèrent 20 M€ de consommation d’activités de loisirs. Il serait schizophrène de faire venir toujours plus de touristes, plutôt que de consolider une base de consommation de proximité. Puis de la faire voyager et la faire consommer plus souvent.
Le juge de paix reste les nuitées ?
Effectivement, mais il faut aussi travailler sur le taux de départ. Il est de 60% en France. Aux Pays-Bas et en Allemagne, ce chiffre est de 70 % et en Scandinavie il est de 80 %. 10 points de plus de taux de départ, c’est 16 % de croissance d’économie garantie. Il n’est pas non plus obligatoire de développer une offre de transport pléthorique.