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Immobilier
| 15/01/2019

Le plan d'actions de Stéphane Boubennec, DG d'ACM Habitat (interview)

La Lettre M a interviewé Stéphane Boubennec, nouveau directeur général d'ACM Habitat, le 10 janvier. 

Vous avez évoqué lors des vœux d’ACM Habitat, le 9 janvier, un environnement de plus en plus concurrentiel. Pourtant, vous êtes en terrain conquis à Montpellier ?
Il faut toujours se remettre en question. J’ai été dans des organismes publics et privés. Il faut viser l’excellence pour rester leader, connaître son marché et ses clients. On a une mission de service public, mais on est en concurrence avec d’autres OPH et des ESH. Action Logement a par exemple des velléités. Il faut se battre sur chacune des opérations, montrerque nous sommes présents. Nous sommes l’opérateur historique de la métropole, et on veut continuer à être le leader. Mais on peut travailler intelligemment avec tous. Il faut trouver des partenariats efficaces, que chacun fasse ce qu’il fait le mieux, pour qu’au global, l’ensemble des habitants du département trouve des réponses. Je rappelle qu’il y a 42 000 demandes de logements sociaux dans l’Hérault, et 24 000 dans la métropole. Trouvons un modus operandi qui soit le plus efficace possible, par typologie de produits, ou par territoires. Pour moi, c’est un objectif. Cela évitera une inflation sur le prix d’achat du logement social dans le département.

Quelle méthodologie et grandes lignes se dessine pour la prochaine convention d’utilité sociale (CUS), qui doit être arrêtée avant le 30 juin ?
Nous sommes en train de la réactualiser. C’est une équation globale : rénovation urbaine ambitieuse dans le quartier Mosson, produire du logement social de qualité, sans oublier les réhabilitations. La maquette du projet Anru n’est pas encore signée. En 2019 et 2020, nous produirons environ 500 logements par an (le double par rapport à 2018). En réhabilitation, plusieurs opérations ont été lancées dans les secteurs Mosson, Bagatelle et Val de Croze (cinq opérations de respectivement 126, 313, 276, 29 et 46 logements). 103 logements seront réhabilités dans la résidence Pré aux Clercs. Au total, 897 logements seront réhabilités en 2019.

Quelle est l’ambition en matière de réhabilitation énergétique des logements ?
Aujourd’hui, 90 % de nos logements sont classés entre A et D, et 61 % sont classés comme économes en énergie (A, B ou C). Sur chacune des réhabilitations, dans le cadre de notre politique de RSE, on maximisera les efforts, en fonction des moyens dont on disposera. Je ne veux pas qu’on oublie l’intérieur des logements. Quand on fait une réhabilitation, on doit traiter l’ensemble des problématiques. Je ne souhaite pas des bâtiments beaux de l’extérieur, avec des logements dégradés à l’intérieur. Lorsqu’on fait une réhabilitation, du point de vue de la RSE, deux choses sont importantes : l’énergie et l’eau. Ces deux ressources rares ont une incidence forte sur les charges des locataires. Il faut être bons par rapport au niveau de loyer, mais aussi au niveau des charges, pour que le reste à vivre soit le plus important possible pour le locataire. Dernier point : faire de la veille pour mettre en œuvre des innovations, dans le domaine de la RSE,dans le maintien à domicile des personnes âgées ou pour la sécurité des habitants.

Pour la sécurité et le nettoyage, deux mois après votre arrivée, quel diagnostic portez-vous sur l’état du parc ?
Le patrimoine est globalement bien entretenu, mais il y a un certain nombre d’efforts à réaliser sur la propreté, la sécurité et la résidentialisation de nos résidences, pour dégager une image de marque plus forte. J’ai reçu ce matin (le 10 janvier, NDLR) une lettre recommandée d’un locataire, faisant état de problématique de tags dans des cages d’escaliers, et d’épaves à l’extérieur. Je m’y suis rendu, avec le responsable du patrimoine. Puis, j’ai rencontré les personnes chargées de l’entretien. Je leur ai fait constater l’état de cette résidence (dans le secteur Lemasson). J’avais pris des photos, et je repasserai dans une semaine. On ne peut pas afficher le souhait d’une politique de qualité de service sans se rendre sur place. Ce ne serait pas cohérent, et pas crédible. Il faut prendre en compte à la fois les besoins de nos locataires, et les difficultés de nos personnels à assurer leur mission. En trouvant des solutions rapides. Par exemple, dans le quartier Mosson, suite à réunion publique sur l’Anru, décision a été prise de mettre en place des caméras et de résidentialiser des parkings, dans la résidence des Gémeaux.

Dans le contexte de la loi de finances et de la baisse des loyers (de 6 à 7 %), comment préserver le modèle économique du logement social ?
Il faut être adaptable, réactif et inventif. Il n’y a pas de fatalité, mais vu les contraintes (RLS et diminution des APL), il faut s’adapter. Cette adaptation passe par une optimisation des ressources : modularité des loyers, optimisation des subventions, gestion active de la dette, optimisation des dépenses, organisation plus efficiente, optimisation de la politique d’achat publique, partenariat renforcé avec les différents acteurs afin de mutualiser certaines dépenses.

Quelles sont les relations avec les entreprises du bâtiment ?
Nous allons essayer de sélectionner les entreprises les mieux-disantes, et plus forcément les moins-disantes par rapport à l’évolution du secteur du BTP. J’ai l’impression qu’on est sur un plateau au niveau des prix. Nous ne sommes plus sur un marché haussiercomme sur les années passées, où il y a eu une reprise. Il faut avoir un discours clair par rapport à nos fournisseurs, être intransigeant sur la qualité de service et sur l’exécution des marchés. La plupart du temps, ACM Habitat procède par allotissement, même si pour les marchés de Cap Dou Mail et Gémeaux, des entreprises générales ont été attributaires.

En quoi le contexte réglementaire (loi Elan notamment) vous remet en question ?
Autant la loi de finances 2018 était défavorable au secteur du logement social, autant la loi Elan donne un certain nombre d’armes aux bailleurs sociaux, avec un spectre de possibilités supplémentaires. L’exemple : un pourcentage plus proche des besoins pour l’adaptabilité des logements PMR. Cela permet d’optimiser les m2réalisés. Il y a aussi la possibilité de continuer à avoir recours à la conception-réalisation pendant trois ans, la dispense de jury pour les maîtrises d’œuvre dans certains cas, ce qui allège les démarches administratives. Cette palette de mesures n’est pas encore opérationnelle.

Quelle politique en matière de traçabilité ?
Nous souhaitons avec la Métropole mettre en place le scoring, qui permet de classer les candidatures selon des critères factuels et objectifs (date de la demande, situation sociale de l’intéressé, ressources…) avec d’autres critères nécessaires à la mixité sociale en lien étroit avec l’Etat, la Métropole et les communes concernées. Cela permettra de mettre en place un système plus transparent et plus traçable, car aujourd’hui, on se fie à l’expertise des hommes dans l’analyse des dossiers.

Le recours à la Vefa va-t-il diminuer ? Pourquoi ?
Dans un contexte de restriction des ressources financières, il faut produire moins cher, c’est-à-dire produire nous-mêmes. Il y a un écart de 15 à 20 % entre la production directe et l’achat en Vefa. C’est énorme. La Vefa requiert environ 20 % de fonds propres en plus, or, nous avons moinsde ressources financières du fait de la RLS. Il est donc nécessaire de maîtriser le coût du foncier. ACM Habitat a le soutien de la Métropole et des communes, qui nous vendent du foncier à prix maîtrisé. Si nous sommes performants, si nous montrons une qualité de service, une écoute, une qualité des biens produits, ils n’hésiteront pas à nous confier davantage d’ opérations. Nous sommes prêts à faire ce qui convient, à mettre en place un parcours résidentiel : logements étudiants, logements au meilleur prix - Plus et PLAI -, résidences services avec des associations, logements adaptés…

Avez-vous une politique de vente de logements ?
Il n’y aura pas de nouvelle résidence mise en vente, car il y a 24 000 demandes de logements locatifs non satisfaites dans la métropole.

Quel est le taux de rotation ?
6,9 %. C’est très faible. Cela prouve deux choses : que les logements sont corrects, mais aussi qu’il n’y a pas les moyens d’un parcours résidentiel. Le taux de vacances est de 1,1 %, soit un seuil très bas (4,6 % en moyenne au niveau national). Il y a un gros travail effectué pour remettre en location un appartement. On le réattribue en moins d’un mois.

Quels métiers et compétences doivent évoluer ? Comment y parvenir ?
ACM Habitat, c’est 290 salariés. Il faut pouvoir optimiser nos actions, en intégrant les technologies, comme par exemple les états des lieux qui sont réalisés sur tablette numérique, ce qui permet d’aller beaucoup plus vite. On compte faire la même chose pour les demandes d’interventions auprès de nos prestataires. Il est nécessaire d’avoir des personnes formées, et il faut pouvoir attirer les jeunes générations. Les demandes des gens qui ont 20 ans sont différentes, en termes d’organisation du travail et de diversité des tâches. On doit aller plus loin dans la dématérialisation, être conforme à la politique RSE (moins de papier), avec plus de réactivité. Le temps de circulation d’un parapheur n’est pas celui d’un email. Je souhaite aussi plus de contrôles automatisés, de systèmes de détection d’erreur et d’aide à la décision - par exemple, avec des logements connectés, où les pannes de chaudières peuvent être identifiées. Nous devons également renforcer la domotique dans les logements, avec par exemple des systèmes pour régler son chauffage à distance ou des systèmes d’alarme pour personnes en difficulté. L’enjeu du maintien à domicile des personnes âgées implique cette transition numérique. Les bâtiments intelligents offrent de multiples applications : lames des volets qui s’adaptent en fonction de la luminosité et de la chaleur, mutualisation des sources de chaleur dans le cadre d’unpartenariat avec la Serm. Tous ces procédés visent à optimiser la consommation des logements et à diminuer les charges. Pour y arriver, il faut être curieux, voir ce qui se fait ailleurs, et réfléchir sur l’adaptabilité de ces systèmes à notre population. Ce qu’on peut installer dans une résidence privée haut de gamme, on ne peut pas le mettre dans une résidence sociale. Il faut être pragmatique. Une conciergerie, avec un pressing, n’est pas un service adapté pour un locataire qui vit dans un logement social. C’est un service pour quelqu’un qui perçoit des revenus plutôt élevés.

Le prochain PLH 2019-2024 prévoit 42 % de logements sociaux dans la production totale de logements. Un commentaire ?
42 % en logements sociaux et en accession sociale à la propriété, c’est 6 % au-dessus des objectifs nationaux. Ce n’est pas un affichage, mais un engagement ferme. On ne peut pas rester étranger à ce qui se passe autour de nous. On voit bien la demande exprimée par les plus pauvres, mais aussi par les classes intermédiaires qui mettent en avant leur pouvoir d’achat. Un logement social, c’est au moins 50 % de loyer en moins par rapport au parc privé de loyer consenti, chaque mois. Le développement de l’offre sociale augmente donc le pouvoir d’achat de ses bénéficiaires et répond à une mission de service public. 70 % de nos locataires sont éligibles à l’APL : un taux très important par rapport à celui des ESH et des SA. C’est la raison pour laquelle le directeur général d’ACM Habitat doit aller sur le terrain, se rende compte des exigences des locataires.

Comment jugez-vous la qualité du bâti social à Montpellier, ville réputée pour son architecture ?
Je le trouve remarquable. C’est le fruit de la politique des Zac mises en place par la métropole, avec le fait de désigner un architecte en chef, un responsable de la zone, pour que tout cela ait un sens. Les plus grands architectes de Montpellier et d’ailleurs travaillent pour nous ! Et je ne suis pas certain que cela génère des surcoûts. En travaillant avec de bons architectes, on réussit à pouvoir prendre en compte les problématiques du logement social et une qualité architecturale et esthétique fortes. Les architectes les plus réputés de la ville se sont toujours prêtés au jeu.

Quel est, selon vous, le potentiel de la métropole en termes de disponibilités foncières ?
La métropole, la Serm et ACM Habitat sont totalement alignés. Ce n’est pas le cas partout, et cela permet d’être très efficace.

Vidéosurveillance, sécurité physique… comment gérez-vous les problèmes d’insécurité dans les résidences et avec quels outils? Quelle évolution pour le budget sécurité/sûreté ?
La sécurité, la propreté, l’entretien des espaces verts et les parkings font partie de la qualité de vie des locataires. C’est prioritaire en matière d’entretien courant. Ces paramètres seront regardés dans le cadre de chaque réhabilitation. Quand vous faites des espaces verts, il faut qu’ils soient « méditerranéisés ». Il ne faut pas, dans notre parc, de délires architecturaux avec des murs végétalisés par exemple. Je souhaite voir des choses esthétiques, fonctionnelles, adaptées et durables.

Hubert Vialatte / vialatte@lalettrem.net
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