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| 3/04/2017

Vélib’ parisien : le Montpelliérain Smoove préféré à JC Decaux (synthèse)

L’his­toire de l’at­tri­bu­tion des Vé­lib’2 par la Ville de Paris pour la pé­riode 2018-2032 (mar­ché de près d’1 Md€) est in­at­ten­due : l’offre de JC­De­caux, ses 3,4 Md€ de CA et ses 13.000 sa­la­riés, sou­tenu par la SNCF et la RATP, a été jugée moins convain­cante que celle du consor­tium Smoo­vengo, mené par Smoove SAS, une start-up de Saint-Gély-du-Fesc (bu­reau d’étude à Oul­lins, dans le Rhône) de 38 sa­la­riés (CA 2016 : 9 M€), aux côtés de Mar­fina SL, In­digo Infra SA et Mo­bi­via Groupe. Le dis­po­si­tif de vélo en libre ser­vice à Paris re­pré­sente à ce jour 315 sa­la­riés, 300.000 abon­nés longue durée, 40 mil­lions de tra­jets par an et plus de 300 mil­lions de­puis le début du ser­vice, voici dix ans.

Le syn­di­cat mixte Au­to­lib’ Vé­lib’ Mé­tro­pole a confirmé, sa­medi 1er avril, avoir « classé en tête l’offre du grou­pe­ment Smoo­vengo » pour le re­nou­vel­le­ment du contrat des Vé­lib’ pour quinze ans. Bien que toute jeune, cette PME hé­raul­taise, créée en 2008 par Laurent Mer­cat et ses deux frères, four­nit déjà sa so­lu­tion à 26 villes dans le monde (Mos­cou, Hel­sinki, Mar­ra­kech, Chi­cago…), dont une dou­zaine en France (Mont­pel­lier, Stras­bourg, Cler­mont-Fer­rand…). Smoove gère ac­tuel­le­ment plus de 715 sta­tions vélos, 8.800 vélos en libre-ser­vice et 13.000 vélos de lo­ca­tion longue durée.

Dans un com­mu­ni­qué très of­fen­sif, dif­fusé en plein week-end (pour pré­ve­nir d’une chute du cours de l’ac­tion lundi matin, chute qui a bien en lieu), in­ti­tulé « Vélib : une dé­ci­sion trou­blante » et où est af­fi­chée sa puis­sance fi­nan­cière avec une série de chiffres mon­trant sa po­si­tion de lea­der, chiffres à l’ap­pui, dans de nom­breux do­maines (mo­bi­lier ur­bain, pu­bli­cité dans les trans­ports, af­fi­chage grand for­mat, com­mu­ni­ca­tion ex­té­rieure…), le géant JC­De­caux « s’étonne de la dé­ci­sion de la com­mis­sion d’ap­pel d’offres du syn­di­cat Au­to­lib’ Vé­lib’ Mé­tro­pole. Sa pre­mière ré­ac­tion est avant tout hu­maine. Elle va vers les 315 femmes et hommes qui font, de­puis 10 ans, le suc­cès de Vé­lib’ (…). En effet, mal­gré les de­mandes ré­ité­rées du Grou­pe­ment JC­De­caux/RATP/SNCF tout au long de la pro­cé­dure, il n’a pas été prévu de re­prise de plein droit des équipes par le nou­vel ex­ploi­tant. JC­De­caux met­tra tout en œuvre pour l’ob­te­nir. JC De­caux se dit d’au­tant plus sur­pris de la dé­ci­sion reçue le 31/3 qu’il a ob­tenu la meilleure note sur tous les cri­tères de no­ta­tion non fi­nan­ciers, c’est-à-dire le cri­tère ex­ploi­ta­tion, en­tre­tien, main­te­nance du dis­po­si­tif, com­mu­ni­ca­tion ins­ti­tu­tion­nelle, suivi du ser­vice et le cri­tère concep­tion, fa­bri­ca­tion et dé­ploie­ment du sys­tème. Son concur­rent ne l’em­porte donc que sur le cri­tère du prix. Ainsi, le grou­pe­ment re­tenu pré­sen­te­rait une offre fi­nan­ciè­re­ment éton­nam­ment in­fé­rieure à celle du grou­pe­ment JC­De­caux/RATP/SNCF, qui s’est pour­tant po­si­tionné au prix le plus juste pos­sible au re­gard du ni­veau de sé­cu­rité, de qua­lité et du nombre de col­la­bo­ra­teurs af­fec­tés que né­ces­sitent les en­jeux du nou­veau Vé­lib’. Le grou­pe­ment s’in­quiète que cet écart se fonde sur un dum­ping so­cial, avec une pro­po­si­tion ex­cluant la re­prise de l’en­semble des per­son­nels et re­po­sant sur de nou­velles équipes in­ex­pé­ri­men­tées, moins nom­breuses et à des condi­tions so­ciales et sa­la­riales dé­gra­dées. Aussi, le grou­pe­ment JC­De­caux/RATP/SNCF de­mande que toutes les pré­ci­sions sur le di­men­sion­ne­ment des équipes ainsi que leurs condi­tions so­ciales et sa­la­riales soient ren­dues pu­bliques. » Il exa­mi­nera ces élé­ments avec la plus grande at­ten­tion « avant d’en tirer les consé­quences ju­ri­diques qui s’im­posent ».

Li­mi­ter le suc­cès de l’offre de Smoove à du dum­ping so­cial semble ré­duc­teur. « JC De­caux joue les mau­vais per­dants », glisse un col­la­bo­ra­teur des Échos. « Laurent Mer­cat ne com­mu­ni­quera pas ce lundi. Le mar­ché n’est pas en­core at­tri­bué. Ses équipes craignent un piège tendu par JC De­caux : la vi­ru­lence du com­mu­ni­qué se­rait en fait des­ti­née à les faire ré­agir, pour les pous­ser à la faute ju­ri­dique », confie l’agence en charge des re­la­tions presse de Smoove.

Nos confrères du Monde re­viennent en dé­tail sur le bu­si­ness model de Smoove. « Pas sûr pour­tant que Smoove n’ait pas d’autres atouts que le mieux-di­sant fi­nan­cier, ana­lyse Le Monde, ce 3/4. Ses so­lu­tions tech­no­lo­giques ré­pondent en effet à plu­sieurs pro­blèmes que JC­De­caux n’est pas par­venu à ré­soudre ces dix der­nières an­nées. À com­men­cer par la dé­lin­quance (vols et dé­gra­da­tions), cible des Vé­lib’. « Notre so­ciété pro­pose un dis­po­si­tif sur le­quel le vol est qua­si­ment im­pos­sible », ex­pli­quait fin mars Laurent Mer­cat sur le site spé­cia­lisé Mo­bi­lettre. Le sys­tème de bor­nage des vélos est ré­puté in­vio­lables par son fa­bri­cant. « C'est qua­si­ment im­pos­sible à voler, on ne peut pas l'en­le­ver, même avec un pied-de-biche ou une tron­çon­neuse », di­sait-il en­core en jan­vier au Jour­nal du di­manche.

Le sys­tème dé­ve­loppé par Smoove allie par ailleurs un boî­tier élec­tro­nique (Smoove Box) placé sur le vélo (accès di­rect et ra­pide au vélo, lec­ture des cartes d'abon­nés per­met­tant de dé­blo­quer le vélo à l'aide d'un code, af­fi­chage de la vi­tesse et du temps de par­cours), un sys­tème an­ti­vol et des mo­bi­liers de sta­tion­ne­ment re­la­ti­ve­ment lé­gers, sans câ­blage et ali­men­tés par des mini-pan­neaux so­laires « conçus pour s’im­plan­ter sim­ple­ment avec le mi­ni­mum de génie civil », ex­plique Smoove.

La so­ciété ré­pond aussi à une autre cri­tique ré­cur­rente des uti­li­sa­teurs ac­tuels de Vé­lib’ : la sa­tu­ra­tion des sta­tions. Smoove donne la pos­si­bi­lité d’ac­cro­cher son vélo aux autres en­gins quand la sta­tion est pleine, tout en met­tant fin à la lo­ca­tion. Cette in­no­va­tion est tes­tée de­puis peu à Hel­sinki (Fin­lande).
Par ailleurs, 30 % de vélos du nou­veau parc se­ront élec­triques. « Sur le plan tech­nique, la PME fa­mi­liale ins­tal­lée à Mont­pel­lier, déjà pré­sente dans l'Hé­rault, à Stras­bourg, Saint-Etienne, Nice... mais aussi à Van­cou­ver, Chi­cago, Mos­cou ou Mar­ra­kech, a conçu des vélos plus mo­dernes que l'an­cienne ver­sion du Vé­lib' », ex­plique L’Ex­pan­sion.

Si la so­lu­tion Smoo­vengo est dé­fi­ni­ti­ve­ment re­te­nue, le 12/4, « le défi sera consi­dé­rable pour la jeune en­tre­prise et ses par­te­naires, conclut Le Monde. Son parc de vélos et de sta­tions gérés sera plus que dou­blé (le mar­ché du Vé­lib’ com­pre­nant la ges­tion de 20.000 vélos). Et l’ef­fet de loupe lié à Paris sera consi­dé­rable : toute er­reur ou mal­adresse ne man­quera pas d’être re­le­vée, dis­sé­quée, com­men­tée. Pour Smoove, le plus dif­fi­cile com­mence ».

Avec Le Monde et L’Ex­pan­sion

Hu­bert Via­latte / vialatte@​lalettrem.​net