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Haute-Garonne
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Finances
| 12/12/2016

Éric Charpentier (président de Morning) : « À quel jeu joue la Maif ? »

La banque en ligne Mor­ning (48 sa­la­riés, siège so­cial à Saint-Élix-le-Châ­teau) a vu ses ac­ti­vi­tés de ser­vices de paie­ment in­ter­dites le 1/12 par l’Au­to­rité de contrôle pru­den­tiel et de ré­so­lu­tion. Éric Char­pen­tier, pré­sident de la start-up, in­dique le 12/12 à La Lettre M que la si­tua­tion est selon lui liée à des « non-dé­ci­sions » prise par son ac­tion­naire prin­ci­pal, la Maif.

L’Au­to­rité de contrôle pru­den­tiel et de ré­so­lu­tion a dé­cidé le 1/12 d’in­ter­dire à Mor­ning de « four­nir des ser­vices de paie­ment ». Quelle est votre ré­ac­tion ?
Le ré­gu­la­teur s’in­quiète en effet de la pé­ren­nité de notre pro­jet. Nous de­vons lui ap­por­ter des ré­ponses. Je lui ai d’ailleurs adressé un cour­rier dans ce sens le 9/12. Mais cette si­tua­tion n’est en réa­lité que la consé­quence d’une dif­fi­culté que nous vi­vons de­puis déjà un mo­ment : nous n’avons plus les moyens fi­nan­ciers de mener notre pro­jet. Nous sommes blo­qués par la Maif, notre ac­tion­naire prin­ci­pal à 38 %, qui nous amène au bord du gouffre par ses non-dé­ci­sions de­puis des mois.

De quoi s’agit-il exac­te­ment ?
De notre côté, nous avons tenu à la fois nos dé­lais et nos en­ga­ge­ments. Nous sommes de­ve­nus une néo­banque. Nous avons dit qu’il nous fal­lait lever 15 M€ d’ici à fin 2016. C’était le pro­jet et c’était acté entre nous. Pour cela, nous avions ini­tié en sep­tembre une dé­marche d’in­tro­duc­tion en bourse, sur Al­ter­next. Mais nous n’avons pas réussi à ob­te­nir l’aval de la Maif. Nous avons le sen­ti­ment que la Maif veut nous in­ci­ter à nous ados­ser à des ac­teurs ban­caires tra­di­tion­nels, ce qui se­rait pour nous un non-sens. Cela ne cor­res­pond pas à nos va­leurs. Des so­lu­tions de fi­nan­ce­ments, nous en avons, mais la Maif les re­pousse. À quel jeu joue-t-elle ? Notre ac­tion­naire de ré­fé­rence nous amène dans un schéma d’auto-des­truc­tion.

Quelles op­tions s’offrent à vous dé­sor­mais ?
Il y a trois pos­si­bi­li­tés. Soit nous dis­pa­rais­sons et cela fait le jeu des banques. Soit nous nous fai­sons ra­che­ter par une banque. Soit, comme nous le sou­hai­tons, nous res­tons in­dé­pen­dants en nous en­tou­rant de nou­veaux par­te­naires. Au­jour­d’hui, nous sommes par exemple sol­li­ci­tés par de grands in­dus­triels pour qui nous pour­rions dé­ve­lop­per des pla­te­formes ban­caires en marque blanche. Nous sommes prêts à le faire. Nous vou­lons res­ter in­dé­pen­dants.

Quel est ac­tuel­le­ment l’état de vos re­la­tions avec la Maif ?
Nous es­sayons de ré­ac­ti­ver nos re­la­tions, mais nous n’avons plus d’échanges. Il y a un vrai pro­blème de com­mu­ni­ca­tion entre nous. Je sou­haite que nous puis­sions mettre tout le monde au­tour de la table, mais pour l’heure, rien n’est en­core fixé.

Quel est votre état d’es­prit ?
Je fais le yo-yo psy­cho­lo­gique. Il y a de l’in­quié­tude et de la frus­tra­tion. Mais nous n’avons pas envie de nous lais­ser abattre !

Sol­li­ci­tée par La Lettre M le 12/10, la Maif a réagi par le biais d’un com­mu­ni­qué de presse. « En 2015, la Maif a fait le choix, via son fonds d’in­ves­tis­se­ments Maif Ave­nir, de sou­te­nir et d’ac­com­pa­gner le pro­jet Pay­name (re­nommé Mor­ning), avec d’autres in­ves­tis­seurs. Au­jour­d’hui, la so­ciété Mor­ning est mise en cause par l’Au­to­rité de Contrôle Pru­den­tiel et de Ré­so­lu­tion (ACPR). Dans ce contexte, la Maif est to­ta­le­ment mo­bi­li­sée pour ten­ter de trou­ver des so­lu­tions qui per­met­traient de sur­mon­ter les dif­fi­cul­tés ren­con­trées par Mor­ning et ce dans l'in­té­rêt de ses clients et de ses sa­la­riés. Nous nous en­ga­geons, lorsque nous se­rons au terme de cette dé­marche, à nous mettre en si­tua­tion de par­ta­ger notre vi­sion sur l’évo­lu­tion de ce dos­sier. »

Pro­pos re­cueillis par Alexandre Léoty