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Région Occitanie
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Education - Formation
| 15/02/2018

"La réforme de l'apprentissage, une réforme parisienne coupée des territoires"

Interview d'Emmanuelle Gazel, vice-présidente de la Région Occitanie, en charge de l'emploi, la formation professionnelle et l'apprentissage .

Les Régions et les branches professionnelles sont-elles rivales au sujet de la réforme de l’apprentissage ?

L’opposition des branches aux Régions qui est faite dans le cadre du projet de réforme de l’apprentissage n’est pas justifiée en ce qui concerne l’Occitanie. Ici, les trois chambres consulaires, la CPME et certaines branches comme le BTP, ont apporté leur soutien en faveur d’un pilotage de l’apprentissage par la Région. C’était un acte fort. De fait, nous avons toujours travaillé en bonne intelligence avec les branches. Nous avons un peu le sentiment d’une réforme parisienne coupée des territoires. C’est une réforme très libérale qui ne correspond pas aux besoins des territoires et aux branches non structurées.

Quelles sont les principales inquiétudes de la Région par rapport à cette réforme ?

Elles portent notamment sur le principe du financement au contrat. Chaque fois qu’un CFA va accueillir un apprenti, il aura un financement. Donc plus le CFA aura d’apprentis, plus ses coûts fixes seront couverts. A contrario, la situation sera difficile pour plus de la moitié des 1 800 sections de CFA de la région qui ont moins de 12 apprentis. Le seuil de rentabilité de ces sections ne sera pas atteint et le risque de fermeture planera. En suivant cette logique, les besoins des territoires ne seront ne pas satisfaits. Certes une section qui forme six bouchers ne sera pas rentable… Mais ces six jeunes devenus bouchers trouveront un emploi sur leur territoire car il y a des besoins.

La Région pourra-t-elle compenser ce manque de rentabilité ?

Le gouvernement parle d’un fonds de péréquation (250 M€ au niveau national, NDLR) mais ce ne sera pas suffisant car la Région agit aussi en faveur du développement du territoire, des innovations pédagogiques et des spécificités de chaque CFA. 20 % des apprentis sont rattachés à la Chambre de métier et de l’artisanat, qui finance les établissements dans ce cas-là ? Qu’en sera-t-il des secteurs d’activité, comme le service à la personne, qui n’ont pas de branches ? Qu’en sera-t-il pour les secteurs inter-branches comme la comptabilité, l’informatique, la management… quelle branche va les prendre en charge ?

La question de l’orientation restera-t-elle une compétence Région ?

A ce jour, nous sommes chargés de la coordination du service public régional de l’orientation, c’est à dire une mise en cohérence des différents acteurs. Nous voudrions de notre côté pouvoir intervenir dans les collèges, les lycées pour présenter les métiers. Pour l’instant c’est fait par des psychologues alors que nous pourrions apporter notre expertise sur l’emploi, la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences avec les branches… Le projet de contribution Alternance étendue à l’ensemble des entreprises nous inquiète également car cette nouvelle taxe pourrait fragiliser les artisans. La question de l’orientation est également préoccupante.

Quels sont les points positifs de cette réforme ?

Le fait que les branches interviennent davantage sur le contenu des titres professionnels et des diplômes (élaborés par l’Education nationale, NDLR) est une bonne chose. Le dispositif pré-apprentissage, construit autour du savoir-être et un peu de savoir-faire également. Nous le proposons déjà en Occitanie. L’aide de 500 € pour le passage du permis de conduire est aussi positif, la Région Occitanie la propose déjà.

Pouvez-vous nous rappeler l’action de la Région en matière de formation, d’emploi et d’apprentissage?

Près de 400 M€ (hors plan 500 000, NDLR) sont consacrés à l’emploi-formation-apprentissage par la Région Occitanie. Il s’agit de l’un des plus gros budgets de la collectivité. Tandis que beaucoup de Régions ont fait le choix de diminuer leur budget Formation, nous avons décidé de le maintenir car l’emploi et l’égalité des chances font partie de nos priorités. La région Occitanie compte 36 500 apprentis dont 1 500 apprentis de plus depuis janvier 2018. Dans le cadre de son plan régional de formation, la Région accompagne 20 000 stagiaires en qualification et 12 000 stagiaires en pré-qualification.

Comment intervenez-vous en matière d’apprentissage ?

Notre stratégie est d’agir sur trois leviers : les apprentis, les entreprises et les CFA-centres d’apprentis. L’aide aux apprentis passe notamment par la gratuité du premier équipement professionnel, l’accès à un ordinateur, une offre pour l’achat des livres, un accompagnement sur l’hébergement, le transport… L’enjeu est aussi d’agir sur l’orientation pour faire de l’apprentissage une filière d’excellence aux yeux des jeunes et de leur famille. Les entreprises quant à elles ont été aidées en augmentant le seuil pour bénéficier des aides de la Région de moins de 10 à moins de 20 salariés. Les entreprises sont également accompagnées pour la formation des tuteurs d’apprentis à raison de 500€ par tuteur, ce qui a incidence sur le nombre de rupture de contrat qui est en baisse. Enfin, nous investissons sur les CFA en équipement et sur le volet pédagogique en utilisant les nouvelles technologies.

Nelly Barbé / barbe@lalettrem.net
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