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Aude
| | 15/10/2018

Inondations dans l'Aude : 14 morts et des dizaines de M€ de dégâts

Le dernier bilan* des précipitations qui ont touché le département de l’Aude dans la nuit du 14 au 15 octobre et ce lundi matin fait état de 14 morts - principalement des personnes âgées, surprises par la montée des eaux dans leur sommeil. La ville de Trèbes a payé un lourd tribut, avec sept décès. 300 mm de précipitations y sont tombés en quelques heures, soit l'équivalent de cinq mois de précipitations. Le fleuve Aude a enregistré une crue record de plus de sept mètres : du jamais vu depuis 1891. Deux décès sont à déplorer à Villegailhenc, près de Carcassonne. Certains villages (Pezens, Trèbes, Villegailhenc, Villemoustaussou) ont été évacués par mesure préventive. Le département est toujours classé en vigilance rouge. Narbonne-Plage a été touché lundi matin par une mini-tornade, faisant deux blessés.
Côté entreprises, équipements et infrastructures, les dégâts seront aussi conséquents (plusieurs 10 M€ a priori). Des dizaines d'hectares de terres agricoles et viticoles sont submergés. Des centaines de véhicules et poids lourds sont enlisés ou ont été emportés par les flots des rivières en crue. Des pans entiers de routes parfois arrachés. Antoine Jullian, responsable communication et numérique de la CCI Aude (président : Bernard Ballester), indique que « la CCI a activé une cellule d'appui aux entreprises sinistrées ». Les circulations ferroviaires étaient toujours, mardi soir, interrompues entre Narbonne et Carcassonne. « Cette interruption sera effective jusqu'en fin de semaine pour permettre les travaux de réfection d’une voie de circulation. Plusieurs semaines d’intervention seront nécessaires pour la remise en état de la deuxième voie », indique SNCF Mobilités Occitanie. SNCF Réseau fait état de « ballast emporté » et de culées d'un pont « fortement endommagées, nécessitant une expertise », dans le secteur de Trèbes. Le fournisseur d'électricité Enedis fait état lundi de 7 000 clients privés d'électricité. 22 groupes électrogènes de grosse puissance ont été installés. Orange (téléphonie et fournisseur Internet) indique que les réseaux téléphoniques sont aussi perturbés : 3 600 lignes sont privées de téléphone fixe (2 900 dans l’Aude et 700 dans l’Hérault). Et 17 900 installations sont privées d’internet et des services associés (télé, messagerie…) : 14 100 dans l’Aude et 3 800 dans l’Hérault. L'hôpital de Carcassonne, construit en zone inondable, a également été touché, avec une défaillance des locaux techniques. Une cellule de crise médico-psychologique a été activée, indique la ministre de la Santé, Agnès Buzyn. Les ascenseurs étaient jeudi toujours hors service, « ce qui pose, dans un hôpital, d'énormes problèmes », rappelle-t-elle.
Le Premier ministre Edouard Philippe s'est rendu sur place dans l'après-midi pour mesurer l'ampleur des dégâts, échanger avec les sinistrés, annoncer une accélération de la procédure de catastrophe naturelle et garantir qu'il « a mis la pression sur la fédération des assurances ». Emmanuel Macron est annoncé dans l'Aude. Il sera probablement interpellé sur le système de prévention, d'éventuels défauts d'information et le timing du déclenchement de l'alerte rouge - déclenché lundi matin à 6h, alors que plusieurs villages étaient déjà sous les eaux. « C'était imprévisible et totalement insurmontable », a déclaré Éric Menassi maire de Trèbes. 

L'Aude, sous surveillance depuis 1999

Avec 39 % de la population et 51 % des emplois en zone potentiellement inondable, l’Aude vit avec les inondations. Le bilan humain de ces intempéries vient rappeler les dramatiques inondations des 12 et 13 novembre 1999 : 25 morts, 200 000 personnes sinistrées et 610 M€ de dégâts. Un gros effort financier a été mené par plusieurs financeurs (Région Occitanie, Europe, État, Département de l’Aude, agglomérations concernées) lors du premier programme d’actions de prévention des inondations (PAPI), avec 81 M€ injectés sur la période 2006-2014, à travers 308 actions, dont les digues de Cuxac-d’Aude (25 M€). Un syndicat mixte (Smmar, syndicat mixte des milieux aquatiques et des rivières) a été créé. Le second PAPI, signé en octobre 2015, prévoit 49 M€ d’investissements (travaux en cours) : 29,2 M€ pour les actions de prévention des inondations et de 20 M€ pour les programmes pluriannuels de gestion des bassins versants. Des travaux très divers, en cours de réalisation : construction de digues, recalibrage des cours d’eau, bassins de rétention, suppression de certains piliers de ponts pour fluidifier le débit…
Ces opérations d’envergure ne peuvent pas tout régler à elles seules. Certains villages, comme Villedaigne, sont entièrement inondables, « pour des raisons historiques, précise son maire, Alain Péréa, par ailleurs député LREM de l’Aude et membre de la commission mixte des inondations au niveau national. Le village a été construit en ce point bas car c’était le passage à gué de la rivière Orbieu ». La partie la plus basse doit être transférée progressivement vers des terrains non inondables. Ce projet inédit d’urbanisme est accompagné par l’établissement public foncier régional. Interrogé par La Lettre M, alors que l’eau commence à monter dans son village, le député s’agace de la difficulté à mener certains travaux. « Aujourd’hui, il y a des inondations meurtrières, alors toute la France en parle. Mais en temps normal, pour réaliser la moindre digue, il faut trois ans d’études ! Les lois liées à l’environnement restent extrêmement compliquées. De fait, dans l’Aude, sur le PAPI 2, tous les crédits sont loin d’avoir été consommés. » Une source à la Région Occitanie renchérit :
« Entre les investigations géotechniques, la mobilisation des financements, les appels d'offres aux entreprises, et des travaux très encadrés par l'Etat (de telle date à telle date, interdiction de procéder à des travaux pour ne pas déranger telle ou telle espèce...), c'est toujours très long, entre le moment où une collectivité décide, et où les travaux démarrent. Souvent, plusieurs années s'écoulent. » De petits investissement ciblés permettent parfois de protéger certains quartiers, comme ces clapets anti-retours, installés pour 100 000 € à Villedaigne, et ayant protégé cette nuit la partie basse de la commune. « Et rien ne vaut les dispositifs d’alerte et de prévention », souligne Alain Péréa. « Nous ne pouvons pas supprimer ces phénomènes naturels, ajoute Carole Delga, présidente PS de la Région Occitanie. Le rôle de la Région est d’atténuer leurs impacts, réduire les dommages pour nos territoires, et faciliter le retour à la normale pour les habitants d’Occitanie. C’est pour répondre à cet objectif que la Région a adopté une stratégie de prévention et de réduction des risques d’inondation en juin dernier et y consacre 6 M€ en 2018. Malgré cela, le risque zéro n’existe pas. La Région a également créé un ‘Fond de solidarité catastrophes naturelles’, afin de participer à l’effort de reconstruction et apporter une aide aux territoires et acteurs touchés par ces catastrophes. Nous serons bien entendu aux côtés des communes sinistrées ces dernières heures dans l’Aude. »

Narbonne au cœur du prochain PAPI 2022-2028

Actuellement en cours de réalisation, dans le cadre du PAPI 2 (qui court jusqu'en 2021) : « Des travaux de digues dans les basses plaines de l'Aude, des travaux de ressuyage (agrandissement des canaux, connectés entre eux, de manière à faciliter l'écoulement de l'eau après les crues) », indique la Région Occitanie. La récente livraison de la digue de Sallèles-d'Aude, en début d'année, « sert aujourd'hui, car la Cesse est en crue ». Narbonne sera au cœur du PAPI 2022-2028 : « De gros travaux sont en cours d'étude. Plusieurs milliers de personnes sont potentiellement menacées en cas de crue du Rec de Veyret », indique notre source à la Région Occitanie. Ce prochain PAPI (2022-2028) pèsera « plusieurs dizaines de millions d'euros » et donnera lieu à de gros chantiers. Entre autres, à Narbonne, donc (barrages écrêteurs de crues en amont, sécurisation des digues dans la traversée de Narbonne), Coursan (ouverture d'un bras de dérivation pour faire baisser le niveau d'eau dans la traversée de Coursan) et Laure-Minervois (sécurisation d'un barrage et création d'un autre barrage sur un affluent). 
Dans l'Hérault, le conseil départemental indique que « le réseau départemental principal n’a pas subi de gros dégâts. La circulation est en revanche impossible sur de nombreuses routes secondaires, à cause des inondations ou des obstacles sur la chaussée. C’est principalement le cas dans les secteurs de Palavas, Cazilhac, Saint-Pons-de-Thomières, Olonzac, Bédarieux et dans le Biterrois. »

* Sources : préfecture de l'Aude et AFP. Actualisé le 17 octobre à 13h. 

Hubert Vialatte et Nelly Barbé
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